Le drame de la rue de Tolbiac
La Lanterne — 29 juillet 1906
Un drame passionnel s'est déroulé dans un hôtel meublé, 178,
rue de Tolbiac. À cette adresse, les époux Beaucousin
exploitent depuis plusieurs années un établissement de vins et
logeur, fréquenté par une clientèle de maquignons.
Le père Beaucousin servait ses clients, aidé de sa femme,
âgée de 50 ans, et d'un garçon, Émile Balloche, 20 ans, à son
service depuis quatre ans.
La situation de ce domestique était particulière dans la
maison. Congédié à plusieurs reprises et toujours rengagé, il
accompagnait souvent Mme Beaucousin et sa fille, âgée de 16
ans, dans leurs excursions du dimanche. La semaine dernière,
ils étaient allés à Bicêtre, et c'est au retour que M.
Beaucousin adressa quelques observations sur les privautés que
se permettait Émile Balloche sur la personne de Mlle
Beaucousin.
L'explication dégénéra en querelle et finalement M.
Beaucousin congédia son trop entreprenant domestique.
Celui-ci resta dans l'hôtel à titre de client.
Hier matin, il appelait, dans la chambre qu'il occupait au
rez-de-chaussée, la fille de ses hôtes et, à peine Mlle
Beaucousin avait-elle franchi le seuil de la porte qu'il lui
tira à bout portant un coup de revolver dans l'oreille.
La jeune fille tomba, la mort fut instantanée. Balloche,
tournant alors son arme contre lui-même, se tira une balle dans
la tête et s'effondra, agonisant, aux pieds de sa victime.
Le commissaire de police du quartier de la Maison-Blanche,
M. Pellatan, prévenu aussitôt, arriva sur les lieux et fit
demander d'urgence une voiture d'ambulance à l'hôpital Cochin.
Mais la voiture arriva trop tard. Émile Balloche avait cessé de
vivre.
Une foule nombreuse n'a cessé de stationner pendant toute la
journée, devant la porte de l'hôtel Beaucousin. L'établissement
est fermé, et sur les volets clos, on peut lire cette pancarte
écrite hâtivement : « Fermé pour cause de décès ».
Nous interrogeons une voisine, Mme Barraud, qui tient un
petit débit à côté de l'hôtel Beaucousin. Elle ne nous cache
pas que le caractère d'Émile Balloche faisait prévoir depuis
longtemps un drame de ce genre.
L'employé de M. Beaucousin était en effet vindicatif et
violent.
Au commissariat, on nous a confirmé ces renseignements et
dit, en outre, que le meurtrier, qui devait partir au régiment
au mois de novembre, avait laissé une lettre adressée à sa sœur
où il lui annonce son intention de se suicider.
La lettre se termine par ces mots :
« Adieu, j'en ai assez de la vie, je vais mourir ! »
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Le Rappel — 30 juillet 1906
Nous avons annoncé dans quelles conditions un garçon
d'hôtel, Émile Baloche, s'était tué d'un coup de revolver,
après avoir tué sa fiancée, Mlle Albertine Beaucousin.
L'enquête a démontré que Baloche avait prémédité son acte.
En effet, il a été établi que, lundi dernier, le jeune homme
s'était rendu au bureau central de la Caisse d'épargne, où il
avait retiré une somme de quarante francs. Sur cette somme, le
garçon d'hôtel avait disposé d'une vingtaine de francs pour
l'achat du revolver dont il s'est servi et d'une boite de
cartouches.
Le permis d'inhumer a été délivré dans la soirée. Les
obsèques d'Albertine Beaucousin et d'Émile Baloche auront lieu
dans la journée de dimanche. L'inhumation des corps sera faite
au cimetière d'Ivry-Parisien.