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UNE ÉVOCATION DU 13ÈME ARRONDISSEMENT DE 1860 AUX ANNÉES 30

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SAVIEZ-VOUS QUE...

L'église Saint-Hippolyte, œuvre de l'architecte Jules Astruc (1862-1935), a été construite entre 1909 et 1924, grâce notamment à la générosité de la famille Panhard.


Le XIIIème arondissement comptait 72.203 habitants en 1876 et 92.221 en 1881 soit une augmentation de 20.018 habitants. Paris, en totalité en comptait 1.988.806 et 2.225.910, ces mêmes années.


Le Paris-Soir du 24 octobre 1932 rapportait que, rue de la Glacière, un magasin de jouets affichait sur sa porte cette pancarte : « Ici on remplace les mauvaises têtes » et commentait en écrivant : « Quel dommage que cette chirurgie miraculeuse ne puisse encore s'appliquer qu'aux belles poupées de porcelaine rose ! »

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C'est arrivé dans le 13ème

 Le drame de la rue Gandon - 1894

Le drame de la rue Gandon

Le Radical — 3 décembre 1894

Des cris partant d'une maison composée seulement d'un rez-de-chaussée, habité par les époux Jouy, âgés, le mari de cinquante-neuf ans et la femme de cinquante-six, mettaient en émoi ; hier, vers huit heures du soir, les habitants de la rue Gandon.

Quelques-uns se précipitèrent dans le logement et aperçurent M. Jouy, qui est estropié, étendu sans connaissance sur le plancher, portant au crâne une profonde blessure, et Mme Jouy, que son fils Joseph, âgé de dix-huit ans, maintenait sur le sol, la frappant avec rage.

Le misérable qui était ivre, avait eu une discussion avec son père qui lui reprochait de ne jamais travailler. Furieux, il lui avait porté en pleine poitrine un coup de pied qui l'avait fait choir à la renverse, la tête sur l'angle d'une commode.

À ce moment, Mme Jouy étant intervenue, le forcené s'était rué sur elle.

Cet ignoble personnage est au Dépôt.

M. Joux, qui a, en outre, plusieurs côtes brisées, a été transporté, à l'hôpital de la Pitié. Son État est désespéré.


 Singulier pari - 1891

Singulier pari

Le Figaro  ― 25 août 1891

Nous doutons fort que le pari suivant soit du goût des baigneurs du high life. Il faut en effet n'être pas très dégoûté pour accepter de faire la planche en pleine Bièvre, à la hauteur du n° 65 de la rue Croulebarbe. A cet endroit, le pauvre ruisseau, large au plus d'un mètre cinquante, sert de dépotoir aux mégissiers qui travaillent sur ses bords.

Bravement le parieur, un Belge, nommé Benoit Bydekerke, bronzier de son état, s'est mis hier, à deux heures de l'après-midi, dans le costume primitif de notre père Adam, et, pour gagner l'enjeu - cinq francs, pas davantage - a plongé dans la Bièvre.

Il en sortait triomphant lorsqu'un agent de police a surgi du milieu des spectateurs et l'a conduit au poste.

Benoît n'avait pas pensé que, des fenêtres voisines, plus d'un œil pudibond pouvait le contempler  !


LIEUX DU TREIZIÈME

 Petit voyage dans la zone - Condoyer -1931

Petit voyage dans la zone

Par Émile CONDROYER

Le Journal ― 1er juillet 1931

Paris possède un côté noble : l'ouest. De la porte de Versailles à celle de Clichy, on l'a délivré de la zone.

Mais, partout ailleurs, la zone subsiste. La zone s'étale misérablement cohérente ou se colle aux glacis par lambeaux. Refoulée, réduite ici. au dernier carré, elle bourgeonne là avec une ardeur printanière. On la perd un moment, on la retrouve plus loin. Au siècle des cliniques et de l'asepsie, elle est un défi à l'hygiène publique. Et cela, aux portes mêmes de la capitale du monde.

Cette zone abrite cent mille habitants, pour  la plupart de braves gens, des travailleurs. Ils se sont logés là faute de pouvoir le faire ailleurs. Mais il. faudra bien qu'un jour ils s'en aillent. La capitale s'enfle et refoule la zone contre la banlieue. Elle finira par l'écraser.  Ce ne sera pas un mal parce qu'il est inhumain que cent mille personnes vivent dans cette promiscuité et de manière aussi primitive. Le tout est de savoir où elles iront et si l'on s'efforce vraiment de les aider à se tirer de là. C'est le drame permanent de la zone.

De temps en temps comme un avertissement, le feu éclate dans cette ville de planches. L'autre jour encore, vingt-six familles, dont quarante enfants, se sont trouvées sans abri. Ce qui leur tenait lieu de logis avait flambé d'un coup comme une boîte d'allumettes. Et c'est miracle qu'il n'y ait pas eu de victimes... Quelque jour, inévitablement, cela recommencera. Ce n'est pas être prophète de malheur que de le dire. Il suffit d'aller errer dans la zone pour s'en convaincre. Petit voyage fertile en enseignements variés. Et si vous n'aimez pas ce ton chagrin, faites le voyage tout de même. Dans quelques années, il sera trop tard ; vous ne pourriez plus enrichir votre mémoire du souvenir d'une conception pittoresque de l'urbanisme en notre âge de progrès.

La zone est riche en aspects divers. Près de la porte de Vitry, par exemple, elle a un certain air classique, sans doute parce qu'elle date d'avant la guerre. Vers la porte de Bagnolet, elle est plus ordonnée, plus somnolente, tandis que vers le Pré-Saint-Gervais, elle se mêle à des maisons normales et, de ce fait, a son caractère un peu altéré. A Saint-Ouen, elle est presque sinistre. Mais  je crois que c'est là question de nuances et que, en bref, la zone présente deux genres d'aspects : le bourgeois et le sordide.

Commençons par le bourgeois. On le trouve surtout dans la zone au sud de Paris et en remontant jusqu'à la latitude des Lilas. La région de la Bièvre en est le coin le plus agreste...

Je quitte Paris par la poterne des Peupliers. Au pied même des remparts, la verdure reprend ses droits. Elle bouillonne dans une sorte de cuvette naturelle. La Bièvre doit couler par là. On ne la voit pas, , on la devine seulement, glissant au bas d'un petit coteau, sur lequel sont accrochées les baraques des zoniers.

Des sentes se faufilent entre les jardinets. Elles sont incrustées de gravats dans lesquels des gosses jouent, des gosses assez propres ma foi, et qu'on appelle ici des « mougingues ». Les haies ébouriffées se fleurissent de paille, de ressorts de sommier et d'informes morceaux de fer rouillé. Derrière, on entend caqueter des commères. Ces dames sont au jardin. Car chaque maison a son jardinet. La terre, engraissée de mâchefer, y produit généreusement des compagnies de carottes, des futaies de persil, des oignons, des tournesols à l'œil étonné et des boites de conserves écrasées. Elle produit aussi des arbres, de grands beaux arbres où l'on entend siffler les merles, et qui, presque toujours, abritent la maison.

La maison est faite de planches, ajustées avec adresse et non sans goût. Elle ne cache rien au passant. Toutes béantes, fenêtres et portes laissent voir le lit de cuivre, la suspension ouvragée, les sujets de cheminée, les  chromos vernis, la toile cirée jaune de la table. Tout est rangé comme dans une maquette de marchands de meubles.

Le propriétaire n'est jamais loin : il cloue, rabote ou scie, car la maison a toujours besoin d'un perfectionnement. Ou bien il se repose, et c'est justice. En bras de chemise, tête nue, allongé sur une chaise longue, dans un coin d'ombre, il lit son journal. Les oiseaux chantent et le soleil joue sur un fond de vieux seaux à travers le tamis du chèvrefeuille.

Au bout du jardin, on a installé le tout-à-l'égout. Quatre planches formant guérite. Et voilà. Toute cette verdure qui frise, alentour assainit l'air.

Il y a aussi des maisons en briques et  d'autres en ciment avec un grillage tout autour. Je demande mon chemin à un propriétaire. Il est assis sur une chaise adossée au mur. Mais le grillage nous sépare.  Pour me répondre, il sort.

― La Bièvre, fait-il, c'est par là, au bout de la sente. Mais ça n'est guère beau.

La sente, en effet, s'arrête dans les orties, au bord d'un ruisseau. L'eau semble couler dans une rigole d'ébène. Une espèce de crasse noire mouchetée par de petites feuilles vert pâle colle par plaques sur ses bords. Des bulles d'écume grise glissent nonchalamment. Tout autour, c'est la verdure folle avec, de-ci delà, de-là, papillons blancs insensés. Une fade odeur d'évier flotte à la ronde sous les saules.

A quelques mètres de moi, un vieil homme en calotte noire. et visage rasé de bedeau, tente avec Un bâton de débarrasser une vanne des détritus qui s'amassent contre elle. Je ne lui demande rien, mais il croit bon de m'expliquer quelque chose :

―  Aujourd'hui, ça va ; seulement, il y a des jours où elle pue comme une charogne, cette Bièvre.

Et le silence campagnard redescend, troublé par le murmure de cette eau grasse qui longe les jardinets des zoniers. Des escadrilles de moustiques évoluent dans les coulées du soleil. Soudain, un petit frôlement tout près, puis un « plouf » léger : un rat pointu fait des ronds dans l'eau, gagne l'autre rive et disparaît. Mais on peut suivre sa musardise au tremblement des herbes.

Tout cela ne doit pas empêcher d'être heureux, les, gens qui vivent dans cette- verdure fleurant l'eau de vaisselle. Car, par bouffées, m'arrive l'écho d'une romance que pousse quelque lyrique ménagère. A moins que tous ces  zoniers  ne se consolent de leur sort en songeant qu'il en est de plus malheureux qu'eux. Car, pour les zoniers, c'est un peu comme pour les pays : ceux du Sud .ont la vie plus facile que ceux du Nord. Le Nord ici, c'est la zone de Saint-Ouen.

Émile Condroyer.

Du même auteur :

La capitale démantelée : les survivants (1930)

La question de la zone parisienne (1932)

Le printemps sur la zone - Emile Condroyer - 1933

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