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Dans l'actualité des ...

 30 novembre

Mardi
30 novembre 1897

LE BARON DE MOHRENHEIM
MAINTENU A PARIS

On n'a pas oublié le bruit qui a couru, il y a quelques mois, que le baron de Mohrenheim serait nommé membre du Conseil privé de l'Empereur, et qu'un successeur lui serait donné à la tête de l'ambassade de Paris.

Or, le baron de Mohrenheim a reçu, hier matin, l'ukase impérial lui conférant la dignité de membre du Conseil privé, une des plus enviables que puisse obtenir un Russe. Cependant, ce qui a rendu le baron de Mohrenheim particulièrement heureux, c'est que le même ukase le confirme dans ses fonctions d'ambassadeur à Paris.

S. M. Nicolas II, en maintenant à son poste le premier ouvrier de l'alliance franco-russe, donne a notre pays un nouveau gage de sa précieuse amitié. Le baron de Mohrenheim sera très reconnaissant à son souverain de la preuve de haute bienveillance dont il vient d'être l'objet. Ces sentiments de reconnaissance seront partagés par tous les Français.

A ce propos, disons que le comte et la comtesse de Montebello vont prochainement regagner leur poste à Saint-Pétersbourg.


On trouve parfois, dans le rôle général des pétitions, certaines choses qui déconcertent celle-ci par exemple « Le sieur Mulatier demande qu'il lui

soit accordé une bourse de voyage pour faire approuver par le Souverain Pontife une croix laïque dont il est l'inventeur. »


Pour les philatélistes.

Une émission de timbres sera faite à l'occasion des fêtes du couronnement de la reine Wilhelmine de Hollande. C'est le portrait dont l'exécution a été confiée au professeur Stang qui servira de modèle pour ces timbres commémoratifs.


TOUJOURS
LES ALLUMETTES

Le mille et unième essai de nouvelles allumettes.

Dans quelques jours, les bureaux de tabac du département de la Seine vont mettre en vente un type inédit d'allumettes sans phosphore, à base de plombate de chaux, s'enflammant même sur une surface mouillée.

Seule condition du succès : Frotter fort !

Le nouveau produit, baptisé par son inventeur du nom d* « allumettes triomphe », .provient, paraît-il, d'une fabrique de Westphalie.

Douteux que de ce pays de jambon fumé puisse venir la lumière.


COMPAGNIE
DE L'OUEST.

Une nouvelle qui va causer un réel plaisir aux habitants d'Asnières amis des théâtres parisiens. La Compagnie de l'Ouest va, en effet, à partir du 1er janvier prochain, faire arrêter à Asnières le train n° 135, qui part de Paris-Saint-Lazare pour Marly à minuit 30.

Bien plus, la Compagnie fera prochainement arrêter à Asnières un certain nombre de trains des lignes des Moulineaux est de Marly, en vue de réduire certains intervalles entre les trains d'Asnières pour Paris.


L'élite des élégances parisiennes se réunit au café de la Paix depuis sa récente transformation. On sait que Ledoyen vient de prendre possession de cette maison incomparablement située et installée tout y est prévu et combiné pour attirer la clientèle et la retenir cuisine des plus soignées, service irréprochable et addition modérée; les nouveaux soupers-concert y obtiennent également un succès croissant.


Demain. 1er décembre, ouverture d'un magasin modèle rue Marbeuf, 39, « AuxChamps-Elysées », où la clientèle mondaine trouvera réuni, dans ce centre aristocratique et cosmopolite de l'élégance et du bon goût, les toutes dernières nouveautés en Lainages, Soieries, hautes Fantaisies pour robes, Manteaux, Tissus exclusifs, Fourrures, etc. La direction s'est chargée de faire, ces premières ventes à des prix-hors cours, pour hommage de bienvenue.

 1er décembre

Mercredi
1er décembre 1897

DÉMISSION DU MINISTRE
DE LA JUSTICE

En raison des votes émis avant-hier par le Sénat comme sanction du débat sur l’interpellation de M. Joseph Fabre, M. Darlan, ministre de la Justice, « a prié M. Méline, président du Conseil, de remettre sa démission à M. le Président de la République ».


L'HÔPITAL BOUCICAUT

Le Président de la République a inauguré ce matin l'hôpital Boucicaut.

Étant donnée l'heure matinale, neuf heures et quart, de cette cérémonie, il y avait fort peu de monde dans la rue de la Convention, sur laquelle donne la façade principale des nouveaux bâtiments hospitaliers.


Le Crime de
la rue Pierre-le-Grand

Le service de la Sûreté ne possède aucune piste sérieuse au sujet de l'assassinat dont a été victime Joséphine Bigot, la femme galante qui demeurait au numéro 3 de la rue Pierre-le-Grand.


Un nouveau triomphe du féminisme.

Une femme américaine va, pour la première fois, représenter les États-Unis à l'étranger. Le New- York Herald annonce en effet que M. Sherman, en accordant à M. Adolphe Guy, agent consulaire des États-Unis à Edmunston (Nouveau-Brunswick) un congé de quinze jours, a nommé miss Emma Hart pour remplir les fonctions d'agent consulaire pendant son absence. Vous verrez que beaucoup de femmes entreront dans la Carrière quand nos aînés seront encore là.


COMMUNICATIONS DIVERSES

L'Orphelinat de la Seine recueille et élève une centaine d'enfants qui sont ainsi soustraits à la misère, à l’ignorance et aux promiscuités dangereuses. Entrés à l'établissement de la Varenne-Saint-Hilaire entre six et huit ans, ils en sortent vers treize ou quatorze ans pour entrer en apprentissage et devenir de bons et honnêtes ouvriers- Nous nous faisons un devoir de signaler et nos solidarité cette œuvre le siège se trouve 28, rue Saint-Lazare.


Décidément il n'y a que les jeunes pour être de leur temps. Les magasins du Grand Quartier sont ouverts depuis deux mois à peine que déjà, à l'occasion des matinées et bals qui vont commencer, ils renouvèlent tout leur stock de soieries unies et fantaisies. Un choix merveilleux comme goût et comme prix sera mis en vente dès aujourd'hui et, pour satisfaire leurs clientes qui ne pourraient se rendre avenue d'Antin, tous les échantillons qu'elles demanderont leur seront aussitôt adressés.


Le deuxième fascicule de l' « Atlas Larousse illustré » vient de paraître. Il contient sur double page un plan de Paris, véritable merveille typographique. Aussi va-t-il être enlevé comme le précédent qui fut, on se le rappelle, épuisé le jour même de la mise en vente et dont le nouveau tirage, si impatiemment attendu, va être bientôt terminé.

 2 décembre

Jeudi
2 décembre 1897

LE NOUVEAU
MINISTRE DE LA JUSTICE

M. Méline, président du Conseil, a offert à M. Milliard, sénateur de l'Eure, le portefeuille de la Justice.
M. Milliard a accepté et il a été présenté dès hier soir à M. le Président de la République par M. le président du Conseil.
Le décret de nomination paraîtra ce matin au Journal officiel.
M. Milliard est sénateur de l'Eure depuis 1890. Il est président du Conseil général de son département.


AU MONT-VALÉRIEN

Nous apprenons qu'on fait en ce moment des travaux au Mont-Valérien pour y aménager sept chambres d'arrêts.
On sait en quoi consistent les arrêts prononcés contre des officiers La mise aux arrêta simples, c'est la consigne de l'officier chez lui; la mise aux arrêts de rigueur, c'est la consigne avec défense de recevoir on de sortir et la présence d'un factionnaire à la porte du domicile de l'officier ; les arrêts de forteresse se subissent dans un fort.
Cette dernière punition est très rare et n'est prononcée que dans des circonstances très graves.
Nous nous bornons donner cette nouvelle sans la commenter.;


C'est une mode aujourd'hui de déjeuner à l'eau d'Évian, source Cachât, et de réserver le vin pour le repas du soir. Les personnes chargées d'affaires ou de soucis se trouvent particulièrement bien de ce régime qui leur laisse la tête libre, le raisonnement clair et l'esprit dispos.


L'élite des élégances parisiennes se réunit au café de la Paix depuis sa récente transformation. On sait que Ledoyen vient de prendre possession de cette maison incomparablement située et installée tout y est prévu et combiné pour attirer la clientèle et la retenir cuisine des plus soignées, service irréprochable et addition modérée; les nouveaux soupers-concert y obtiennent également un succès croissant.


Pastilles Poncelet

N°7 ― Le feuilleton du journal

 Il ferma la porte

Les trois jours, pendant lesquels Guépin, très affairé, fit attendre sa décision parurent à Paul une éternité. Il était trop discret pour se montrer à Florence, et passait comme une ombre dans l'escalier commun pour se rendre au lycée. Il avait le cœur battant d'angoisse, le cerveau rongé par l'incertitude. Il supputait ce que pouvaient produire tous ses efforts de travail. En dehors de ses trois mille huit cents francs d'appointements, il avait la répétition qu'il donnait au fils du préfet, et le cours de littérature du pensionnat de Mlle Magimel, en tout quatre mille neuf. Était-ce assez pour être agréé par Mlle Guépin ? Il se plaisait à mettre la fille du menuisier sur un piédestal. Il l'avait transfigurée. Ce n'était plus une gentille petite personne appartenant à la classe ouvrière de Beaumont, quelque chose comme une grisette. C'était une jeune princesse égarée dans un milieu qui n'était pas le sien, et sur lequel, par la grâce de ses charmes, elle rayonnait d'un éclat merveilleux. Le brave Paul était en pleine féérie. Il commençait à douter qu'il fût digne de sa bien-aimée, et cherchait avec angoisse quel homme, dans le département, serait en mesure d'épouser Florence, sans que celle-ci parût être une victime de la destinée.

— Mon cher enfant, interrompit Mgr Espérandieu, vous devenez étrangement prolixe, votre récit entamé avec sobriété commence à se noyer dans les développements.

— Ah ! Monseigneur, si vous ne me permettez pas de vous dépeindre mes personnages, comment puis-je espérer vous inté- resser à leurs aventures ?

— Il va donc y avoir des aventures ?

— Votre Grandeur ne croit pas qu'une préparation pareille ne servira à rien ? Je pensais que mes articles de la Semaine religieuse avaient donné à Monseigneur une opinion plus favorable de mes facultés imaginatives.

— Poursuivez donc, puisqu'il faut que je subisse vos explications...

— « Subisse » est dur... Eh bien. Monseigneur, puisqu'il en est ainsi, je vais passer sur les accordailles de Paul Daniel et de Florence Guépin, qui m'auraient fourni cependant la matière d'un petit tableau de la vie provinciale tout à fait piquant. Je comptais tirer parti du jardin ensoleillé, comme cadre, et de la margelle du puits, comme siège, pour asseoir mes amoureux. Vous voyez la belle jeune fille blonde, dans un rayon de lumière, et les pampres de la vigne grimpante verdissant au-dessus d'elle. Son fiancé presque à ses pieds... C'eût été très joli. Mais vous m'accuseriez de me perdre dans le détail... J'en viens donc tout de suite à l'évènement grave, à l'acte décisif, à la péripétie dramatique de cette histoire d'amour.

— Je ne peux pas vous exprimer combien je trouve choquante cette intrigue d'un homme destiné à être prêtre, dit Mgr Espérandieu. Ces passions mondaines jettent dans ma pensée un insurmontable discrédit sur l'abbé Daniel. Il me semble qu'il est impossible qu'un cœur qui a éprouvé des sentiments si violents, soit jamais pacifié.

— Ah ! Monseigneur, et les Saints : saint Paul, saint Augustin, et Marie-Magdeleine...

— Oui, mon enfant, sans doute, mais tous ces personnages sont jugés par nous, dans le lointain du passé, ils ne sont pas nos contemporains, nous avons devant l'esprit, en même temps que la connaissance de leurs fautes premières, l'exemple des vertus qu'ils montrèrent par la suite. Tandis que ce prêtre, qui a subi tous les entraînements des hommes, j'ai beau savoir que c'est un modèle de charité, de sagesse et de piété, j'ai toujours peur qu'à un moment donné les passions ne recommencent à bouillonner en lui et qu'il ne retourne à son vomissement... Je crois que vous avez tort de vouloir me faire pénétrer le mystère de sa vie passée : il n'aura qu'à y perdre.

— Non, Monseigneur, car nous arrivons aux évènements qui ont décidé de son entrée dans les ordres, et vous jugerez qu'un renoncement aussi complet aux espérances et aux joies humaines ne peut être que définitif.

— Avez-vous la prétention de me faire croire que la douleur d'avoir été supplanté par M. Lefrançois ait poussé Paul Daniel à un tel excès de désespoir qu'il se soit jeté dans le sein de l'Église, comme dans un précipice, pour y engloutir sa vie, sa pensée, ses regrets, tout de lui enfin ?

— Mais, Monseigneur, cela est; je n'aurai pas à vous le faire croire. Vous le croirez de vous-même et par la suite naturelle du récit. Vous êtes trop bien informé des choses de la religion pour ne pas savoir comJiien ces conversions sont courantes. ? N'a-t-on pas raconté qu'un soir, à la table du roi des Belges, pas celui d'aujourd'hui, le précédent; celui qui, chaque fois que son peuple s'agitait, commandait de faire ses malles, de sorte que les émeutes s'apaisaient comme par enchantement tant la Belgique avait peur de rester sans roi, — à la table donc de ce singulier monarque, il y avait des généraux et un évêque, Mgr de Mercy-Argenteau. On se mit à causer de l'armée, des soldats, des manœuvres. Le prélat parlait avec tant de compétence qu'on l'interrogea curieusement et il fut établi que, de tous les convives, dont la plupart commandaient des divisions, le prêtre seul avait fait campagne et vu le feu. Il est vrai que c'était comme colonel de hussards et sous Napoléon qui l'avait décoré de sa main. Ce brillant soldat avait eu le malheur de perdre sa fiancée qu'il adorait, et de chagrin il était entré dans les ordres. Je vous en citerais cent autres exemples, Monseigneur, et qui seraient tous aussi probants. Et je n'irai pas jusqu'à invoquer la Trappe comme argument, quoique ce soit de circonstance.

— Ah ! Richard, notre curé de Favières a en vous un avocat bien éloquent, dit Mgr Espérandieu. Mais je ne sais pas si vous lui rendez service en le défendant comme vous le faites. La prudence commanderait de biaiser et déterminer les choses en douceur, au lieu de pousser ce maire aux dernières extrémités par une résistance qui va l'exaspérer. Je me reprochais déjà d'avoir été, ce matin, trop autoritaire, et voilà, mon cher enfant, que vous l'êtes plus que moi.

— Oh ! Monseigneur, je ne suis rien, dit le jeune abbé avec une souriante humilité, rien que votre fidèle serviteur... Et, si vous me commandez de me taire, je ne prononcerai plus une parole.

Au même moment, une cloche au son voilé tinta dans la cour agitée par une main discrète. Le prélat se leva et regardant son secrétaire :

— Voici le déjeuner. Donnez-moi votre bras, Richard; à table vous me continuerez votre récit; car maintenant que vous l'avez commencé, je regretterais de n'en pas connaître la suite.

Et appuyé sur son favori, plus par affectueuse familiarité que par maladive faiblesse, l’Évêque se dirigea vers la salle à manger.

GEORGES OHNET
A suivre...
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