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Dans l'actualité des ...

5 février

Vendredi
5 février 1897

ÉCHOS DU MATIN

M. Lebon, ministre des colonies, ancien ministre du commerce, a visité, hier, l'école d'horlogerie de Paris.


Mme Félix Faure, dont l'état de santé s'améliore peu à peu, espère pouvoir se rendre demain au bal de l'Hôtel de Ville.


M. Barthou, ministre de l'intérieur, assistera, dimanche, au banquet annuel de l'Association des journalistes républicains.


Hier ont été apposées aux angles de la nouvelle rue percée récemment entre l'avenue Bosquet et l'avenue Rapp, sur l’ancien emplacement de l'hôpital militaire du Gros-Caillou, les plaques portant le nom de Mgt Dupont des Loges, l'évoque patriote de Metz.


Le conseil des ministres a décidé que le bénéfice de la campagne de guerre sera accordé aux officiers, sous-officiers et soldats du corps d'occupation de Madagascar pour l'année 1896.


Une vente de charité et une tombola composées d'œuvres inédites de Puvis de Chavannes, Bonnat, Henner, Roll, Français, Detaille, Benjamin-Constant, etc., s'organise au ministère des travaux publics, sous la présidence de Mme Turrel, au bénéfice de l'Œuvre des crèches parisiennes.


On a les plus mauvaises nouvelles de la santé de M. l'abbé Gaussanel, curé de Grenelle, qui avait été atteint, il y a quelques semaines, d'une crise d'influenza, et a dangereusement aggravé son état, en persévérant jusqu'à lundi dans l'exercice de son ministère.


L'Amour dominateur, par Mme Hector Malot, paraît chez Ernest Flammarion. Ce titre dit ce qu'est le roman l'évolution de l'amour chez la femme, celle de vingt ans, celle de trente, celle de quarante. Cette évolution, notée subtilement, est peinte avec largeur par une plume féminine qui en a fait un bien curieux livre.


C'est après-demain dimanche qu'aura lieu, à midi, à l'Hôtel Continental, le banquet offert aux nouveaux, sénateurs élus inscrits au groupe de la Gauche démocratique, sous les auspices du Comité d'action pour les réformes républicaines. M. Léon Bourgeois, qui sera de retour demain à Paris, présidera le banquet et y prononcera un grand discours politique.


Hier soir, dans la salle de la Société de géographie, a eu lieu la quatrième conférence de l'Union coloniale française, sur « Ce qu'on peut faire au Tonkin », sous la présidence de M. Aynard, député, président de la chambre de commerce de Lyon. Le conférencier était M. U. Pila, membre de la chambre de commerce de Lyon, bien connu par le rôle qu'il a joué dans les entreprises commerciales françaises en Extrême-Orient.


Il existe un nombre imposant de maladies qui dérivent de la sédentarité et de la surabondance de recettes sur les dépenses organiques. La goutte, la gravelle, le diabète, l’obésité, l’albuminurie sont de ce nombre. Le Vin Bravais, en empêchant le ralentissement nutritif, constitue, de l'avis de la science, le meilleur remède préventif et curatif à apposer à ces « maladies de richesses ».

 6 février

Samedi
6 février 1897

A LA RUE RÉAUMUR

L'inauguration — Programme arrêté — Distinctions honorifiques accordées.

Le protocole a réglé, hier, définitivement, avec le syndic du conseil municipal, la cérémonie d'inauguration de la rue Réaumur. Le président do la République arrivera, à deux heures, à l'estrade de la place de la Bourse. Il sera reçu par le président et les membres du conseil municipal, le préfet de la Seine, le préfet de police et le haut personnel des deux préfectures.

Après les discours, municipal et préfectoral, le président de la République se rendra à la mairie de la rue de la Banque, où il sera reçu par les conseilleras du deuxième arrondissement, le maire et les adjoints. A trois heures et quart, le cortège, qui comprendra une vingtaine de voitures, parcourra la rue Réaumur jusqu'au square du Temple. Nouvelle réception à la mairie du troisième arrondissement.

Dans la première voiture prendront place le président de la République, le ministre de l'intérieur; le président du conseil et le préfet de la Seine.

La cérémonie sera terminée à quatre heures et demie. Elle donnera l'occasion au président de la République de distribuer quelques décorations. 

A ce sujet, on raconte que le bureau- du conseil municipal avait demandé aux fonctionnaires communication de la liste des propositions. Mais le préfet de la Seine est intervenu, estimant qu'à lui seul appartenait le droit de faire des propositions.

Parmi les promus, on cite M. Huet, directeur administratif des travaux qui recevrait la cravate de commandeur. Trente-huit ans de services cravate de congé; M. Caron, l'aimable conseiller du quartier Vivienne, à l'énergie et à la ténacité duquel cette opération de voirie est due, et qui verrait arrondir son ruban rouge.

Nous aurions ainsi deux conseillers officiers de la Légion d'honneur MM, Muzet et Caron.


Mme Félix Faure reprendra ses réceptions le samedi 13 février.


Mercredi aura lieu l'installation de M. l'abbé Blériot, ancien curé de Notre-Dame de-la-Croix, de Ménilmontant, nommé curé de Saint-Pierre de Montrouge.


Le cardinal Richard, archevêque de Paris, célébrera, jeudi prochain, le vingt-cinquième anniversaire de sa consécration épiscopale par une messe, à neuf heures du matin, à Notre-Dame.

Des messes seront dites, le même jour, à cette occasion, par tous les curés du diocèse. ̃


Ce n'est pas, maintenant, avant le 31 décembre 1905 que le Cercle militaire pourra déménager du coin de la rue de la Paix et de l'avenue de l'Opéra.

D'après le numéro de la « Revue du Cercle » qui a paru hier, le général Billot a informé le gouverneur militaire de Paris, président, qu'il approuvait, pour une période de six années, l'acte de prolongation du bail expirant le 31 décembre 1899.


Il existe, contre l'anémie et la faiblesse générale (qui dominent à notre époque) un grand nombre de remèdes. Mais la faveur des maîtres de la médecine est, aujourd'hui, acquise aux toniques utiles, à la fois, à la nutrition, au sang et au système nerveux, trépied vital de la santé parfaite. C'est pourquoi le Vin Bravais, à la base de kola, coca, cacao et guarana, jouit auprès de la science d'une renommée ancienne, incontestée et toujours grandissante, en dépit des vains efforts de l'imitation.

 7 février

Dimanche
7 février 1897

Le comte de Munster a reçu hier matin un télégramme de l'empereur d'Allemagne lui ordonnant de se présenter chez le général de Galliffet dont il avait appris la maladie.

Aux termes de la dépêche du souverain, l'ambassadeur devait se rendre chez le général de Galliffet «pour prendre de ses nouvelles et lui porter l'expression des vœux de l'Empereur pour son prompt rétablissement ».

Haute et flatteuse courtoisie entre deux soldats.

Le comte de Munster s'est acquitté dès la première heure de l'après-midi de cette mission.

Ajoutons que le général de Galliffet est tout à fait hors de danger, mais son rétablissement nécessite encore un repos de plusieurs semaines.


C'est ce soir que M. Berteaux, l'agent de change socialiste bien connu, donne, à l'hôtel Continental, ce grand banquet où le radicalisme triomphant doit célébrer, sous la présidence de M. Léon Bourgeois, la grande victoire des élections municipale.

On nous annonçait une manifestation monstre ; on nous disait « Vous verrez là des hommes dont la présence vous surprendra. » Mais il en est de ce festin comme du festin ridicule on n'aura ni Lambert ni Molière. Ils seront remplacés par les Baduel, les Isambert, les Bérard et autres Mesureurs.

Tout compté, on sera, tant sénateurs que députés, cent cinquante à table.


M. Baduel ne pouvait se consoler d'avoir perdu son fauteuil et, depuis qu'il ne présidait plus la gauche démocratique, son visage, autrefois radieux, était comme voilé d'un crêpe. Cet homme, invariablement satisfait et content de soi-même, devenait morose et lugubre. Ce ne fut, par bonheur, qu'une éclipse. Le voilà redevenu souriant; sa joue est de nouveau fleurie et son œil, qui s'éteignait, se rallume. Il ne préside plus la gauche démocratique, c'est vrai; mais le Club des 100 kilos vient de l'élire président d'honneur.


Parmi les nominations au grade de chevalier de la Légion d'honneur du ministère de l'instruction publique, figurait le nom de J.-H. Rosny. Comme ce nom étiquette la collaboration des deux frères Rosny, nous avons demandé auquel des deux était attribué le ruban rouge.

L'un des Rosny nous répond « A l'aîné. »

C'est parfait. Mais le mystère n'est pas éclairci pour cela. Quel est l'aîné des deux? celui qu'on connaît ou l'autre?


Une délicate attention de l'empereur et de l'impératrice de Russie.

Les seize jeunes filles qui prirent part à la pose de la première pierre du pont Alexandre-III et offrirent aux souverains russes, au nom du haut commerce parisien, un magnifique vase ciselé rempli de fleurs, viennent de recevoir chacune la photographie de la famille impériale dans un superbe cadre aux armes de la Russie.


Une rencontre au pistolet a eu lieu hier, dans les environs de Paris, entre MM. Marcel Proust et Jean Lorrain, à la suite d'un article publié par ce dernier sous la signature Raitif de La Bretonne. Deux balles ont été échangées sans résultat. Les témoins de M. Marcel Proust étaient MM. Gustave de Borda et Jean Béraud ceux de M. Jean Lorrain, MM. Octave Uzanne et Paul Adam.


L'arme la plus puissante pour combattre la pléthore abdominale est la célèbre eau de Carabana. Prendre tous les matins à jeun, immédiatement avant le petit déjeuner, un verre de cette eau salutaire, c'est acquérir une sorte d'immunité contre les maladies de l'estomac.


La jolie salle de spectacle de la Maison d'Art, du boulevard de Clichy, prête en ce moment ses murs aux paysages de M. Beauverie. Toute la journée et le soir, c'est un défilé de connaisseurs qui applaudissent à l'œuvre de l'artiste, et qui, en descendant, s'arrêtent longuement dans les salles de cette parisienne institution, particulièrement à l'exposition des tableaux sans cadres, une idée que Louis Levens est en train de faire triompher.


Bien qu'à l'exemple de toutes les stations hivernales, Dax ait été quelque peu troublé par les intempéries, le mouvement des étrangers qui viennent demander la santé aux Grands Thermes ne laisse pas d'être satisfaisant. Au surplus, on sait quelles ingénieuses précautions sont prises pour protéger les hôtes de cet établissement contre les secousses climatériques. Les Grands Thermes sont un modèle en ce genre, et un modèle unique.


Pastilles Poncelet

N°5 ― Le feuilleton du journal

 Celui-ci ne prévoyait pas alors

Celui-ci ne prévoyait pas alors qu'il pourrait avoir des ambitions politiques. Il vendait des grains, comme avait fait son père, et courait les fermes du département, pour profiter des moments de gêne pendant lesquels il savait que les cultivateurs seraient obligés de vendre au-dessous du cours. Il gagnait de l'argent, à ce métier, mais il ne gagnait pas d'estime. On l'appelait volontiers « mangeur d'hommes ». Il n'en avait cure, car déjà, dans sa jeunesse, il était peu sensible au qu'en-dira-t-on et ne s'occupait que de lui-même. C'était un gars de trente ans, sec, petit, au regard jaune, à la mâchoire féroce. Comme on dit dans le peuple : il marquait mal. Mais il était en route pour la fortune. Un beau jour il songea que si le commerce des grains présentait de beaux avantages, le commerce de l'argent en présentait de bien plus sérieux, et au lieu d'acheter les récoltes engrangées, il se mit à prêter sur les récoltes sur pied. Le résultat ne se fit pas attendre. Ses capitaux, qui jusque-là lui avaient rapporté dix pour cent, commencèrent à lui rapporter vingt. Il s'établit à Beaumont, fonda la maison de banque Lefrançois, qui maintenant fonctionne sous la raison sociale Bertrand-Féron et Cie, et contribua, dans la plus large proportion, à la ruine de l'agriculture dans le département de l'Oise. On cherche le moyen de faire cesser la crise agricole, et on s'occupe de voter des tarifs prohibitifs, qui étouffent le pays tout entier dans les liens d'une protection qui supprime tout commerce avec l'étranger. C'est de la folie ! Il n'y a qu'un seul procédé pour redonner du courage aux cutivateurs, c'est de les mettre à même de se passer des marchands de bestiaux, qui les volent, et des banquiers, qui les grugent. Et pour cela il n'y a qu'à créer des banques régionales de prêts à l'agriculture...

— Mon cher Richard, j'admire votre compétence, dit Mgr Espérandieu en riant, et je suis tout saisi de votre ardeur...

— Ah ! Monseigneur, c'est que tous mes parents sont grands propriétaires, et que, depuis que j'ai l'âge de comprendre ce qu'on dit autour de moi, j'entends discuter la question, et je l'ai vu résoudre par l'initiative privée... Mon oncle de Préfont a sauvé son domaine de l'Eure, en aidant ses fermiers au lieu de les étrangler, quand ils ont été atteints par la crise... Ce qu'il a fait, par affection pour ces braves gens, l'État devrait le faire dans l'intérêt national. Si, dans les moments difficiles, les cultivateurs trouvaient de l'argent à trois pour cent, et à long terme, au lieu d'être obligés de vendre leurs denrées, ou d'emprunter à douze et quinze, la prospérité renaîtrait dans les campagnes et aussi la confiance... Mais nous voilà bien loin de Lefrançois, quoique nous soyons au cœur de ses affaires. Ce coquin faisait l'inverse de ce que je recommande, et au lieu d'abaiser le taux de l'intérêt, à mesure que les difficultés devenaient plus grandes pour ses clients, il l'augmentait sous prétexte que l'argent était rare. Il s'engraissait ainsi de toutes les ruines, s'arrondissait de toutes les ventes et se choisissait, pour lui, les plus belles et les plus productives terres de la contrée. C'est ainsi qu'il est arrivé à posséder le domaine de Fresqueville près de Favières, et qu'il est devenu un des importants propriétaires fonciers de l'Oise. Il avait la quarantaine lorsqu'il vint s'installer à Beaumont. Depuis deux ans Paul Daniel, agrégé et docteur, était professeur au lycée de notre ville. Il avait fait revenir sa mère pour lui tenir son ménage, et sa vie, toute de travail, eût été la plus heureuse du monde, s'il n'avait rencontré Mlle Florence Guépin. C'était assurément la plus jolie fille qu'on pût admirer à dix lieues à la ronde et Votre Grandeur n'ignore pas que notre département est renommé pour la beauté de ses femmes...

— Richard, interrompit l'évêque, je vous trouve un peu risqué dans vos commentaires...

— Monseigneur, il ne peut y avoir rien de scandaleux dans une appréciation historique. Il est notoire que le territoire des anciens Bellovaques offre de purs types de la race gauloise étonnamment conservés à travers les âges, comme la Bretagne montre des spécimens kimris très accentués. Cette Florence était la plus délicieuse blonde aux yeux noirs qu'il fût possible de voir. Et la belle Mme Lefrançois ne donne qu'une idée effacée de ce que fut la ravissante Mlle Guépin. C'était la rose en bouton...

— Là ! là ! calmez-vous, ne chantez pas le Cantique des cantiques !

— Moi, je ne l'ai pas connue. Monseigneur. J'étais trop jeune. Mme Lefrançois est mon aînée. Mais mes oncles en parlent encore avec un enthousiasme si vibrant qu'il fallait vraiment que la rose de Beaumont, ainsi qu'on appelait Florence, fût une personne extraordinaire.

Le vieux Guépin, son père, était menuisier, au coin de la place de la Cathédrale. La boutique existe encore, c'est son premier ouvrier qui a pris la suite des affaires, quand Lefrançois, humilié de voir le nom de son beau-père sur une enseigne, et le beau-père lui-même en bras de chemise, rabotant au milieu des copeaux, emmena le bonhomme à Orcimont, une autre de ses propriétés, pour lui donner la surveillance de ses ouvriers. Mme Daniel habitait la même maison que le menuisier. Elle y occupait, au second étage, quatre pièces donnant sur la place, et l’escalier, qui conduisait à son appartement passait devant l'atelier du père Guépin. L'odeur du sapin travaillé montait jusque chez elle, et c'était une de ses inquiétudes de penser qu'une allumette, jetée par un apprenti négligent sous son établi, ferait de la maison un brasier avant qu'on eût le temps de ramasser ses affaires pour s'enfuir. Forcément, Paul, en descendant, voyait ce qui se passait dans l'atelier. Il écoutait avec amusement le grincement des varlopes et le ronflement de la scie mécanique. Un jour, il s'arrêta pour regarder; il venait d'apercevoir Mlle Florence, sortie de pension le jour même et installée chez son père. Le brave Guépin lui cria : « Entrez donc, monsieur le professeur, nous avons une habitante nouvelle à vous faire connaître. C'est ma fille, une personne savante et qui sera en état de vous répondre. » Paul franchit la porte du magasin, il marcha sur un moelleux tapis de sciure de bois, s'avançant ébloui, vers cette adorable jeune fille qui lui souriait illuminée par le jour cru qui passait à travers le vitrage, nimbée par les poussières blondes qui voltigeaient dans l'air doré, si rose, si fine et si potelée, qu'il en resta, comme dit le bon Rabelais, déchaussé de toute sa cervelle... Ce que fut cette première entrevue, nul n'eût pu le dire, pas plus Paul Daniel, qui ne reprit ses sens qu'en se retrouvant sur le pavé municipal, que Florence Guépin qui n'avait vu dans l'apparition du jeune homme qu'un incident très banal, un voisin qui circulait dans un couloir et qu'on appelait pour le lui présenter.

GEORGES OHNET
A suivre...
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